A la découverte du système Leica SL

Publié le : 02/06/2021 21:34:10
Catégories : Evénements , Tests

A la découverte du système Leica SL

Grâce à Emmanuel Froideval, Leica Akademie Manager et Marc Santerre, gérant de Photo Suffren, nous avons pu récemment mettre la main sur les boîtiers et objectifs de la série SL. Nous n'en sommes pas sortis indemnes. Sans succomber à un lyrisme exagéré, il n'est pas totalement faux de dire que c'est une expérience qui redéfinit l'acte photographique. Un peu plus de 100 ans après la création du premier modèle d'appareil photo 35 mm par Oskar Barnack, c'est en tous cas une merveilleuse invitation à déclencher, qui procure instantanément du plaisir et incite à déclencher davantage. Nous ne retracerons pas ici la mythologie de la marque Leica, abondamment développée dans de multiples publications par des historiens de la photographie très compétents. Contentons-nous de remarquer que l’avènement du numérique n’a pas laissé ce constructeur légendaire sans réaction...

Une tradition perpétuée

Leica continue en effet de produire des appareils argentiques dans la famille des boîtiers M : les M-A et MP. D’autre part, cette famille s’est enrichie au fil des années des boîtiers numériques M8, M8.2, M9 et il existe désormais cinq déclinaisons du boîtier M10 - dont un boîtier monochrome pour les fondus du noir et blanc - sans compter les M (typ 262) et M-E (typ 240). Et la gamme des fameux objectifs M est renouvelée de manière continue.

A partir du M9, les capteurs sont devenus plein format, c’est-à-dire de dimensions 24 x 36 mm. Cette série reste ancrée dans la tradition less is more des boîtiers historiques : ici, pas d’autofocus mais un télémètre, pas ou peu de fonctions avancées. Pensez donc, le M10-D, par exemple, ne possède pas d'écran de visualisation arrière ! On se concentre sur la prise de vue et on ajuste soi-même les réglages.

La marque a également développé ces dernières années d’autres séries de boîtiers numériques à objectifs interchangeables. L’hybride SL a fait son apparition en 2015. Il s’agissait de proposer un boîtier également plein format, compétent dans les applications photo et vidéo, avec autofocus, capteur stabilisé et autres raffinements que permettent les technologies modernes. Les récentes versions SL2 et SL2S arborent respectivement 47 et 24 millions de pixels. Signe d'ouverture, ils adoptent la monture d’objectif multimarque L, qui permet l’interchangeabilité des optiques Leica, Panasonic et Sigma.

La série S constitue, avec un facteur de forme qui reste proche de celui d’un boîtier reflex traditionnel, l’appareil moyen format par Leica. L’actuel 3e du nom est armé d’un capteur de 64 Mpix se déployant sur une surface de 30 x 45 mm. Pour en avoir utilisé une version précédente il y a quelques années au cours d’un stage photo Leica animé par la photographe Jane Evelyn Atwood, je peux dire qu’il s’agit véritablement d’une Rolls-Royce de l’image, qui produit des images d’une qualité superlative tout en restant d’une manipulation aisée et familière. Son gabarit est important, mais pas démesuré par rapport à un reflex 24 x 36 haut de gamme. Son prix, en revanche…

Et pour être un peu complet, il faudrait également parler du système APS-C Leica CL/TL, de l'appareil compact Q2 à objectif fixe et encore d'autres "petites" références au catalogue !

L’univers SL

Depuis quelques mois, Leica fait de nouveau l’actualité avec la sortie du SL2 S (dévoilé en décembre 2020) et organise de nombreux événements hands on avec prêt de matériel, démonstrations en studio, concours. Extérieurement, rien ou presque ne distingue un SL2 d’un SL2S, si ce n’est l’inscription Leica sur le "prisme" de l’appareil, blanche dans un cas, noire dans l'autre.

Dans les deux cas, nous avons à faire à un lingot métallique chromé noir, très épuré, dont le poids (près de 950 g) peut ne pas laisser indifférent. Ces boîtiers sont plus lourds qu’un hybride numérique "courant". C’est leur construction qui veut ça : on ne parle pas ici de matériaux composites mais de blocs d’aluminium usinés dans la masse, bénéficiant qui plus est d’une certification IP54. Ces boîtiers restent parfaitement équilibrés une fois équipés d’un objectif. À noter d’ailleurs que les optiques SL fixes 28, 35, 50, 75 et 90 mm (f/2) présentent toutes peu ou prou le même poids et le même encombrement. Cela contribue à une excellente prise en main en toutes circonstances. Une exception : le 50 mm f/1,4 est un peu plus massif. Les zooms 16-35 mm, 24 -70 mm, 24 – 90 mm et l’étonnant 90 – 280 mm voient quant à eux leur longueur varier en fonction de la focale.

À l'usage

Avec ces boîtiers, la simple visée est déjà un pur régal : le confortable oculaire s’adapte précisément à la vision et dévoile un viseur électronique large et dépouillé, de haute définition (près de 6 Mpix). A cette visée somptueuse s’ajoute le confort du déclenchement, ultra-souple et silencieux, qui n’induit aucun tangage, ni roulis de l’appareil. Le plaisir de photographier au SL2 commence donc dès la visée, se concrétise au déclenchement et culmine à l’examen des images. Prendre une photo avec un boîtier SL2 est un acte à la fois discret, distingué et sensuel. Avec la plupart des objectifs essayés, fixes ou variables, l’autofocus se révèle très rapide. Le 50 mm f/1,4 est sensiblement plus lent, mais ses qualités sont ailleurs.

Sans entrer dans les détails, Leica parvient sur ces boîtiers à une ergonomie et une facilité d’utilisation exemplaires, tout en minimisant le nombre de boutons : un concept qui est aux antipodes de ce que font la plupart des autres fabricants aujourd’hui. Après quelques premières heures un peu déroutantes, la supériorité de l’approche Leica est indéniable. Elle sera manifeste également pour les vidéastes : le passage de la prise de vue fixe à la prise de vue animée se fait en un clic et bénéficie de la présence d’un écran tactile qui présente les informations d’une manière ultra claire. Le capteur stabilisé permet des exploits en vitesse lente, ainsi qu’un mode de multi-exposition avec pixel-shifting produisant des images à très haute définition (utilisation sur pied). Qui l’eut cru, les SL2 embarquent une fonctionnalité très évoluée de reconnaissance des personnes et des visages, permettant de faire le point en un clin d’œil sur le sujet. Mais on peut évidemment tout débrayer pour rester davantage dans la philosophie Leica…

Et l'image dans tout ça ?

Romi, modèle de Tony NoelLà où j’attendais un peu ces matériels au tournant, c’est sur la qualité d’image. Entendons-nous bien : connaissant la marque pour avoir été grand utilisateur de boîtiers M et R à l'époque argentique, je savais évidemment qu’elle ne serait pas décevante ! Mais en 2021, alors que les outils de traitement d’image procèdent désormais à des fonctions très évoluées de dématriçage, de correction d’objectifs, d’accentuation des détails et des textures et qu’il est virtuellement possible de donner n’importe quel style à n’importe quelle image de manière logicielle, je me demandais si Leica pouvait encore se démarquer véritablement sur le plan de la qualité d’image.

Romy, modèle du photographe Tony Noel, pose en lumière naturelle au Studio Daguerre - Leica SL2 et zooms 24 -70 mm f/2,8 et 24 - 90 mm f/2,8 - 4

Le résultat est sans appel : la qualité des DNG produits tant avec le SL2 qu’avec le SL2S est exceptionnelle et se suffit à elle-même. Que ce soit avec des optiques fixes ou variables, on retrouve sur les images issues des SL2 et SL2 S cet admirable mélange de piqué et de douceur que les Leicaïstes affectionnent depuis longtemps. La colorimétrie est riche et particulièrement subtile, à la manière de ce que font certains dos numériques moyen-formats qui codent les informations sur 16 bits par couche : un effet très appréciable en portrait, où les teintes chair sont restituées de manière incroyablement fidèle. Les contrastes ne sont jamais exacerbés : les images en sont sensiblement plus lisibles, même dans les zones sombres. Les objectifs SL-Summicron bénéficient d’une formule optique privilégiant le contraste des zones in-focus, pour une meilleure séparation des plans à ouverture comparable par rapport à d’autres formules. Les sujets principaux ressortent mieux et les flous qui les entourent sont plus harmonieux. Encore un élément distinctif du style Leica.

Pour le photographe "urbain" Tony Noel, ce boîtier (et c’est vrai de tous les produits Leica) est conçu pour les photographes qui font essentiellement… des images. Et qui n’ont pas envie de passer des heures sur ordinateur à les retravailler ! Dès lors que l’exposition est correcte à la prise de vue – et sauf intention esthétique particulière - le besoin en retouche d’un fichier issu d’un appareil Leica est minimal et même souvent inexistant ! J’en veux pour preuve les images qui accompagnent cet article, qui n’ont pratiquement demandé aucun traitement - et qui ne donnent d'ailleurs qu’un faible aperçu de la qualité du système. Et s'il faut aller chercher du détail dans les teintes sombres du fichier ou rattraper une surexposition, la marge de manœuvre est confortable.

Conclusion

Je ne sais pas s’il faut absolument posséder une Rolex passé la cinquantaine. Ce que je sais en revanche, c’est que tout photographe, quel que soit son âge, devrait faire l’essai d’un appareil et d’objectifs Leica. Ceux de la série SL, bien ancrés dans leur époque, constituent une forme d’idéal et une excellente porte d’entrée dans l’univers du fabricant allemand : une fabrication de grande classe, très résistante, alliée aux derniers raffinements techniques et à une des meilleures qualité d’image qui soit.

Incontestablement de quoi se différencier, quel que soit son style.



Images au Studio Daguerre © Christian Izorce

Merci à Romy pour sa bonne humeur et son expressivité !

Partager ce contenu